Be like water, my friend!

Quelques discussions récentes me conduisent à voir de plus en plus de points communs entre la pratique de l’écriture et celle des arts martiaux. En voici une liste non exhaustive, j’y reviendrai sans doute.

Tout d’abord la maîtrise de l’écriture est sans conteste ce que les chinois nomment 功夫. Le gōng fu, plus connu en occident sous sa variante kung fu, n’est pas à l’origine un terme spécifique aux arts martiaux. Il désigne la maîtrise dans une discipline quelconque, toujours fruit du temps et du travail. On peut atteindre le gōng fu ou en tout cas y aspirer dans tous les arts, martiaux ou non. Cela veut dire un travail quotidien sur soi, une remise en question permanente, une capacité à surmonter ses échecs comme à ne pas se complaire dans ses succès.

L’écriture est une recherche de la forme la plus juste, la plus simple. Pour y parvenir, comme dans les arts martiaux, il ne s’agit pas d’accumuler trucs et astuces, mais d’enlever tout geste inutile, toute intention superflue, et en particulier l’intention de l’efficacité. Si ça ne marche pas, essayez moins. Voilà une formule que j’aime redire souvent aux pratiquants de mon dojo. Il me semble qu’elle s’applique tout aussi bien à l’écriture.

Je soutenais ici récemment que tout auteur est arrogant (ce fut l’objet d’un petit débat), mais par ailleurs j’ai soutenu qu’il n’écrit en état de grâce que lorsque son ego se retire pour laisser passer l’écriture comme une pluie. Cela peut paraître contradictoire, mais cette contradiction est un peu semblable à celle qui guide le pratiquant dans le dojo. On vient pour apprendre à battre les autres, à être le plus fort. Après un quart de siècle de pratique, on finira peut-être par comprendre que le seul adversaire digne de ce nom, c’est soi-même. Et peut-être encore plus tard découvrir avec les maîtres du Zen que les ambitions et les intentions de bien faire étaient des échelles nécessaires pour grimper jusqu’à l’oubli de ce dernier adversaire, qui au fond n’a jamais vraiment existé non plus. Et une fois au sommet, jeter les échelles pour continuer à monter!

Voilà tout le mal que je vous souhaite. En attendant, entrez dans chaque nouvelle page blanche avec l’esprit aussi vide qu’elle, comme on entre dans un dojo. Sans crainte, sans intention, sans rien à prouver. Be like water, my friend.

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2 réflexions sur « Be like water, my friend! »

  1. Beau billet que je ne lis qu’à l’instant car je néglige de consulter messenger. Figurez-vous que ça y est, je crois que nous sommes « sur le même page » ;). Merci de partager le fruit de votre réflexion. Amicalement. Michèle

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