Mille lectures, cent lecteurs, un acheteur

En préambule, je ne suis pas partisan de l’écriture inclusive, lecteurs ici signifie bien sûr lecteurs et lectrices, et même peut-être à peine plus de ces dernières. Je n’ai pas fait le compte, et ce n’est pas le sujet.

Cela va faire bientôt six mois que j’ai posé Parure des Songes sur monBestSeller.com. Tout d’abord en version intégrale, puis seulement en extrait, suivant les conseils avisés du genre « si tu le donnes, tu ne le vendras jamais » (à une époque où j’espérais encore vaguement vendre quelque chose). Je tire ici le bilan de cette expérience pour moi totalement inédite (sans jeu de mots).

Selon les statistiques du site, pendant ces six mois il y a eu plus de mille lectures du livre, un chiffre à prendre avec des pincettes puisqu’il dénombre en fait les clics pour ouvrir le fichier. J’ai moi-même ouvert ainsi sur ce site un certain nombre de livres dont je n’ai pas lu plus loin que les quelques premières pages (voire le premier paragraphe) parce que cela ne m’a pas donné envie d’aller plus loin, ou faute de temps et de motivation suffisante, et ce fut le cas je pense dans plus de 90% des cas. Donc en supposant que les autres utilisateurs du site fonctionnent de même, sur les mille prétendues lectures il en reste moins d’une centaine dont on peut supposer qu’elles sont vraiment entrées dans le livre au-delà des premières pages.

Sur cette centaine supposée, une petite dizaine m’a fait un retour, via le site ou par message personnel, pour faire savoir leur plaisir d’avoir lu le livre, dans des termes souvent touchants, et parfois si élogieux que cela m’en a paru presque suspect. De méchantes langues m’ont prévenu que c’était une pratique courante appelant implicitement un retour d’ascenseur, mais j’aime croire que la plupart de ces compliments étaient sincères. Cela ne veut pas dire d’ailleurs que tous aient vraiment lu le livre dans son intégralité. Qu’importe d’ailleurs? Est-ce que nous n’avons pas tous en tête des exemples de ces livres qui nous ont beaucoup touchés même si nous ne n’en avons lus que quelques pages, et d’autres parcourus jusqu’à la dernière ligne et très vite oubliés?

Parure des Songes a été promu par monBestSeller.com Le livre le +…, autrement dit coup de cœur de la semaine début juillet, à peine plus d’un mois après sa publication sur le site. Cela a sans doute contribué à maintenir la visibilité du livre un peu plus longtemps, mais je n’ai pas constaté une augmentation flagrante des lectures après cette promotion, dont j’ai d’ailleurs trouvé le style un peu excessif dans l’éloge. Au fil des mois, le livre a dérivé tranquillement vers les profondeurs de moins en moins visibles du classement, et les greniers immenses de l’oubli numérique.

Quant à l’impact sur les ventes, il a été à peu près nul. Le livre papier sur Bookelis attend toujours sa première commande (à part la dizaine commandés par l’auteur pour offrir autour de lui), il y a eu deux ventes pour la version électronique à 0,99€. L’un des acheteurs s’est dénoncé publiquement, je ne le nommerai pas ici pour qu’il ne sente pas trop isolé. J’entends d’ici les « Pourquoi tu ne le mets pas sur Amazon? ». J’ai déjà répondu à ça par ailleurs, je persiste et signe.

Globalement, une expérience instructive à bien des égards. Maintenant que j’ai repris le travail d’écriture du Livre 2 après une période de doute sur le bien-fondé de persister dans cette voie, je sais à quoi m’en tenir. Celles et ceux qui m’ont dit attendre la suite seront au courant de sa publication, de même que les égarés qui arriveront sur ce blog. Pour le reste, je ferai sans doute encore moins d’efforts de promotion que pour le Livre 1. Je garderai le principe de l’auto-édition et de l’impression à la demande, pour offrir le livre à ceux qui aiment encore le papier.

En conclusion, avec le recul je suis bien aise de n’avoir pas essayé plus tôt dans ma vie de devenir auteur et de vivre de mon écriture, de ne pas avoir eu à me battre pour me vendre, et de pouvoir garder l’écriture comme un luxe de retraité. Quand je lis ce que je lis, je compatis avec vous les auteurs, les vrais, les purs et durs qui prétendent en vivre, surtout les plus jeunes d’entre vous. J’ai presque envie de vous dire de faire autre chose, un truc alimentaire, et d’écrire à vos moments perdus, la nuit, le week-end, à la retraite, que sais-je? De prendre le temps, enfin, d’écrire un bon livre, bien réfléchi, bien travaillé, même si ça prend dix ans, trente ans, n’est-ce pas déjà merveilleux? N’est-ce pas mieux que de pondre et vendre tous les six mois une daube dans l’air du temps, vite torchée, vite vendue, vite oubliée?

Non, il n’y a rien de pire que d’écrire en état d’urgence.

4 réflexions sur « Mille lectures, cent lecteurs, un acheteur »

  1. Bonjour Ewen, ça faisait longtemps. J’ai lu ton article ce weekend et je comprends totalement ton sentiment. Moi-même j’ai essayé de faire de la promo (j’ai un travail à côté, je ne suis pas auteur à plein temps) et c’est extrêmement frustrant. J’ai eu le même parcours que toi au début (monbestseller, coup de cœur des lecteurs, presque 3000 lectures…etc).
    C’est après que nos expériences divergent : j’ai tenté de faire de la promo dans la jungle de l’auto-édition, j’en ai vendu quelques-uns tout de même, mais j’ai surtout constaté plusieurs choses:
    – le monde de l’auto-édition est plus fermé que ce que l’on imagine. Il y a des groupes d’auteurs qui se soutiennent, pour le meilleur comme pour le pire. Comme pour monbestseller, il faut faire du léchage de cul numérique pour espérer entrer dans les bonnes grâces de certains. Les uns y arrivent, les autres échouent, moi j’ai du mal.
    – on pourrait penser que l’autoédition ouvre les perspectives des lecteurs. Je serai tenté de dire que oui et non (précis, n’est-ce pas). Certains sont aventureux, mais la plupart marchent en cercle fermé, dans des styles souvent définis, poussés par des blogueurs amateurs qui chroniquent des romans écrits par les auteurs du point 1. La boucle est bouclée.

    Bref, à moins de savoir se vendre et s’acoquiner avec les bonnes personnes, c’est difficile de s’en sortir. Certes, il ne faut pas nier que certains auto-édités ont réussi avec du talent, mais ce serait se voiler la face de dire qu’ils ont émergé uniquement avec.

    J’espère que tu continueras, je serai là (avec mon humble avis) pour te lire.

    Excellente journée à toi !

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    1. Merci Romain pour ce retour d’expérience, comme on dit. Nos chemins ne sont pas tout à fait les mêmes, mais tu fais partie de cette poignée de lecteurs qui donnent envie de continuer à écrire!

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  2. Bonjour Ewen. MBS est une plateforme d’auteurs comme d’autres, un genre de microcosme qui apporte quelques moments de bonheur, puis un lot de déceptions, sans lot de consolation. De belles personnes, animées de bonnes intentions, des égos démesurés et des frustrés qui pourrissent l’ambiance. Pour y publier depuis bientôt trois ans, je peux vous confirmer que la visibilité, c’est à dire le classement dans le top 50, tient au paiement de packs de mise en avant. Pour en avoir le cœur net, j’ai fait le test le mois dernier avec « Un putain de Noël », qui est miraculeusement monté de la 568ème à la 40ème place en deux semaines. J’avoue m’être sentie mal en voyant cette longue nouvelle passer devant des romans à la cheville desquels elle n’arrive pas. Passée la date d’échéance, sa descente s’est naturellement amorcée pour rejoindre progressivement les tréfonds du classement. Parmi les nominés de cette année, et des années précédentes, certains n’ont pratiquement rien lu et, pour la plupart, ils ne lisent pas les auteurs qui les ont lus. Ils ne soucient pas du donnant-donnant. Tout cela pour vous dire que l’activité sur le site n’est pas du tout un facteur de repérage, selon moi. Si MBS fait de l’appel participatif, c’est plus pour répondre aux interrogations récurrentes des auteurs. Il faut reconnaître que la qualité des productions s’améliore d’année en années et que, cette année, pratiquement tous les nominés méritaient d’être remarqués. Ils ont également tous mis l’intégralité de leur œuvre en ligne, mais sur ce point, pas de surprise, MBS annonce la couleur. Par contre, je ne sais pas s’il s’agit d’un pur hasard, mais les gagnants du prix Concours sont tous des auteurs n’auto publiant pas sur Amazon. La théorie du hasard s’émousse, lorsque que l’on constate que ce fut également le cas en 2016. Tout bien considéré, ce serait d’une logique implacable. Le monstre Amazon ne plaît pas aux gens de la profession. Ils luttent comme ils peuvent contre ce véritable rouleau compresseur, et éliminer ceux qui l’alimentent est une action dans ce sens.
    Je suppose que le commentaire précédent émane de Romain Lebastard, auteur d’ « Arch », un roman dont j’avais beaucoup aimé le ton et le sujet. J’ai regretté qu’il ne soit pas nominé comme Brian B. Merrant. Leurs deux œuvres avaient ma préférence et j’avais tenté de les booster…
    A vous deux, amicalement. Michèle (Lamish)

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  3. Merci Michèle pour ce long commentaire qui ne fait que confirmer hélas mon impression de MBS, plus courte que la vôtre, et que je ne compte pas prolonger.
    Les nouvelles du Livre 2 seront réservées aux fidèles de ce blog (une soixantaine de pages écrites à ce jour, l’inspiration et la motivation me sont revenues hier après quelques semaines de passage à vide).

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