Mes premiers pas dans le monde des auteur(e)s indépendant(e)s et de leurs chroniqueuses adorées et courtisées (oui on trouve aussi quelques chroniqueurs, en cherchant bien) me confirment dans une impression qui me taraude sournoisement depuis longtemps, avant même que ne me vienne l’idée saugrenue d’écrire un roman, et l’idée encore plus saugrenue de le publier.
Nous croulons sous une surproduction croissante d’écriture, pour un temps de lecture incompressible du côté des chroniqueuses, et un nombre de lecteurs potentiels qui n’augmente pas non plus en proportion. Tout le monde veut publier, tout le monde veut être lu, et personne n’a de temps pour lire. Et cette tendance, dans ce monde où la motivation première de tout un chacun semble d’être vu, reconnu et aimé, ne peut que s’amplifier dans les années à venir.
Que faire? J’ai pensé ce matin à une solution définitive, qui aurait paru relever de la science-fiction il y a encore dix ans, mais qui me parait tout à fait réalisable techniquement dans les dix ans qui viennent, et qui est peut-être déjà dans les tuyaux des labos d’intelligence artificielle de nos chers GAFA. J’ai nommé la lecture et la chronique automatique. Les applications déjà existantes des réseaux neuronaux et de l’apprentissage profond (deep learning) et leurs progrès fulgurants depuis deux ans dans les domaines les plus variés me font croire qu’il suffit de s’y mettre et que ça fonctionnera. Amazon dispose d’une base de données d’ouvrages, de commentaires et de chroniques associées qui est largement suffisante pour alimenter les algorithmes d’apprentissage. En avant donc l’imagination, un peu de prospective.
2020 : Amazon lance pour les auteurs qui publient sur sa plate-forme, en version d’évaluation, le service « Automatic Review ». Ce service génère un résumé, une classification, une notation et une mini-chronique rédigée par une chroniqueuse virtuelle sélectionnée parmi une palette proposée par le service. L’offre Premium pousse le livre vers un certain nombre de lecteurs dont le profil a été associé à l’analyse du livre. Tout cela bien sûr sans aucune intervention humaine.
2021 : Google répond par une offre similaire. Tous les contenus disponibles sur Google Books sont accompagnés d’une fiche de lecture et d’une chronique générée automatiquement.
2023 : Les premiers romans écrits entièrement par des machines sont mis sur le marché. Leur succès est immédiat.
2025 : Le nombre de romans écrits par des machines explose. De plus en plus d’auteurs font appel à un service d’aide à l’écriture, qui effectue une partie de plus en plus importante du travail de rédaction.
2030 : Le premier prix littéraire entièrement automatique est décerné. On découvre a posteriori que le livre primé a été totalement écrit par une machine. Le monde des auteurs entre dans une crise profonde.
2050 : Le dernier auteur humain cherche la dernière lectrice humaine…
Auteurs de SF, à vos plumes si ce sujet vous inspire! Mais ne perdez pas de temps, la réalité (virtuelle) avance à grands pas!
Je pense que j’ai encore un petit de marge. D’ici là je serai vieille ou juriste confirmée avec assermentation donc, irremplaçable (on a encore le droit de rêver en 2017) !
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Lilyn. C’est prudent d’avoir un plan B. Mais sans vouloir vous inquiéter le droit est un terrain où l’intelligence artificielle avance aussi à grands pas.
Peut-être avez-vous vu ce dossier qui me parait bien fait sur l’état de l’art sur le sujet?
http://www.precisement.org/blog/Intelligence-artificielle-en-droit-les-veritables-termes-du-debat.html
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Nous verrons bien, je ne suis pas sûre que l’IA puisse remplacer les émotions humaines. Hors, en droit, je pense que c’est ce qui différencie les praticiens. Entre nous, je crois que je serai morte avant que tout cela arrive.
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Peut-être … mais même les émotions sont assiégées par l’AI.
https://centrepsycle-amu.fr/events/artificial-emotions-in-social-robotics-les-emotions-artificielles-en-robotique-sociale/
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Un ouvrage intéressant, dans le registre de l’intelligence cognitive des ordinateurs: « Le mythe de la singularité » par Jean-Gabriel Ganascia, aux éditions du seuil.
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Excellent ! Et terrifiant, bien que cela arrive à grands pas.
Amitiés,
Elen
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La peinture est déjà bien attaquée, comme le montre cette vidéo
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[…] si les progrès technologiques, et en particulier ceux dont nous parlions récemment à propos des chroniqueuses artificielles, permettait que cette réduction ne se fasse pas au moment de l’écriture, côté serveur […]
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Merci de m’avoir donné le lien sur scribay.
Ton billet est intéressant quant à sa réflexion, et l’anticipation que tu fais. Elle est très pertinente à l’heure où tout s’automatise, les tâches mais aussi la création (le MAO, la peinture comme tu le montres dans ton lien en commentaire). J’avais lu un article le mois dernier qui prétendait que le premier logiciel écrivant des romans avait été inventé, générant une fiction à partir de mot-clés et personnages que définit par l’usager. L’article était une sorte poisson d’avril (ouf !) mais l’idée est là, je pense qu’on y viendra, après je suis convaincu que tous les auteurs ne seront pas menacés. Il restera toujours ceux qui ont une voix bien à eux et/ou un talent singulier.
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